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Prenez l’air, prenez l’Hermitage.

Vendredi 25 septembre 2009

Il y a des périodes d’en-dedans de la vie qu’il vaudrait mieux voir passer comme on regarde défiler les gens dans la queue du Pôle Emploi plutôt que de les subir de plein fouet.

Dernièrement m’est-il arrivé certaines déconvenues plus pénibles et fatigantes que graves, bien entendu, puisque personne n’est mort, personne n’a le SIDA, personne ne s’est encarté à l’UMP, mais bon, ceci dit, elles ont eu l’indélicatesse de me mettre les nerfs juste au-dessous de l’épiderme, et dès que je me frictionne, je suis dans tous mes états.
Je vous avais déjà narré l’incompétence chronique de ma conseillère bancaire, et bien dorénavant, je saurais que tous les emploi feu COTOREP sont concentrés au guichet d’icelle.

Je suis bipolaire. En fait, je crois savoir quelle en est la cause. La Bretagne. Mais pas seulement. L’Ukraine aussi. Et pour ne rien arranger, la Belgique m’assène un bon coup derrière la tête.
Vous imaginez? La Celtie, où les cornemuses sont le prolongement de l’âme celte et qui forcément a tendance à chialer, puis ajoutons à cela une petite touche slave, qui, c’est bien connu, est le peuple le plus déséquilibré de tous les peuples. Saupoudrons tout ceci d’un mélange wallono-flamand pour ce qui est de la dérision de soi. Vous obtenez ma famille.
Ceci dit, ça marche aussi avec l’alcool, puisque Bretagne+Belgique+Ukraine=aïe aïe aïe l’en-dedans de la boîte crânienne le matin au réveil.

C’est d’ailleurs assez étrange cette propension à vouloir rentrer chez soi quand tout va mal. Je veux dire, pas chez soi dans son logis sis rue de la Croquette, mais chez soi, là d’où on vient, là où on a grandi, où on s’est fait chier, où l’on a pris ses premières cuites, fait ses premiers touche-pipi, là où on a appris à conduire et fumer, bref, Brest.
Pas très loin de Brest en fait.
En définitive, le Finistère Nord.
Bon, c’est pas plus glorieux que d’avoir grandi dans la Nièvre, mais au moins ce département peut-il se targuer d’être au sein d’un espace culturel à forte identité. Celle-là va bien au-delà des panneaux de signalisation bilingues, je vous assure que si vous n’êtes pas breton, vous ne pouvez pas comprendre.

Ceci dit, je devrais plutôt sentir le camembert et la tarte Tatin, vu que j’ai été expulsé ex-vagina dans les alentours d’Evreux, chef-lieu morne et insipide de l’Eure, en Normandie.
Mais pour avoir passé environ 10 ans là-bas, tout au fond de la France, et pour porter un nom comme le mien, je considère plutôt que quand ça va mal, je rentrerais bien plus volontiers à Brest.
Brest me rend triste. Avant Nazi-Ricains-Panpan dans les années 40, Brest était plutôt pas mal, Saint-Malo du côté du port, Rennes dans les grandes rues, San Francisco sur les collines, Paris dans les faubourgs. Maintenant, elle a plus des allures de Nova Huta en Pologne, tarif réduit bien sûr. Après la reconstruction, on avait voulu donner à ses rues des numéros, comme à New York ou les grandes villes Américaines: 3° Rue, 7°Avenue. Ca aurait pu être drôle, mais on a conservé la toponymie d’antan, à base de rues de Siam et Jean-Jaurès, Halles Saint Louis et place de Strasbourg.
Il faut passer outre son aspect parfois peu ragoûtant, et on découvrira une petite ville un peu bordélique, qui sent un peu la bière mais qui vaut pas mal le coup. De toutes façons, c’est pas très différent qu’à Paris, tout le monde s’en plaint, mais personne ne pense vivre ailleurs.
Et puis pour ceux qui considèrent que PACA est la plus jolie région de France, venez traîner vos guêtres dans la rade de Brest, la baie de Douarnenez et les Abers du Nord-Finistère, vous comprendrez ce que le mot “chialer” signifie. Mieux que le Louvre, et avec l’air frais du large en plus.
Et puis, pour payer une binouse 1euro50 face à la mer, j’en connais plus d’un qui renierait ses parents.

J’ai des souvenirs doux et diffus de la Bretagne de quand j’étais petit, et qui ne se résume pas qu’à des bouseux en bottes pataugeant de le lisier ou des marins séniles en salopette Guy Cotten qui écoutent la météo en breton. Il y a beaucoup de crêpes, beaucoup de pluie, certes. Mais c’est comme penser qu’en Allemagne tout le monde est nazi et porte des culottes de peau. Du coup, Rennes et Cologne sont pratiquement à la même distance de Paris, disons que ça en décoincerait pas mal d’aller y faire un tour pour se vider de ce genre de clichés.
Alors oui, j’ai des souvenirs en forme de carte postale parfois, quand j’y repense, à la Bretagne. Mes parents avaient un van Nissan je crois, mais qui s’appelait une Vanette, que tout le monde nommait le “Fourgon”. Elle avait une odeur particulière à cause de ses vieux sièges élimés, et faisait un bruit animal lorsqu’elle s’élançait dans les ribines de Cornouaille, et joie de découvrir la mer en été, depuis les collines surplombant Crozon, aux champs à l’herbe sèche et le soleil irradiant.
Quand Papi était un peu moins vieux, il avait un petit bateau à voile et à moteur, l’Enez Vriad, un petit bateau blanc qui mouillait au Berly, un petit bras de la rivière d’Auray, au confins du golfe du Morbihan. On y descendait en voiture, on traversait un vivier par une microscopique digue de béton, on longeait la petite maison d’été de Lise Blanchet, de Thalassa, pour arriver au petit ponton de bois duquel parfois mon cousin Benjamin et moi-même allions plonger. On détachait le petit canot, on s’élançait sur l’eau sombre de la rivière pour arriver à l’Enez Vriad. Je me rappelle passer sous le pont de Gustave Eiffel, vieux Meccano noirâtre dominant le mignonnet port du Bono, et puis passer devant Saint Goustan, un autre port, celui d’Auray. On saluait d’un geste alerte les autres bateaux qui nous croisaient, un peu plus grands et un peu prétentieux, mais nous étions parfaitement bien sur le petit pont du nôtre, en pêchant parfois avec une ligne enroulée autour d’un boudin de liège, pêche qui s’avérait souvent (tout le temps) peu fructueuse mais qui nous ravissait, avec mon frère et ma soeur.
J’ai d’ailleurs un souvenir très clair, pourtant très lointain et qui remonte à quand je devais avoir cinq ou six ans, où lors d’une de nos occurrences sur le Golfe avec l’Enez Vriad, nous avions accosté sur une petite île, et découvert, dans la forêt qui longeait la plage, un hameau abandonné, en ruines, persuadés que l’île était complètement déserte et nous croyant de véritables aventuriers des temps anciens. Il s’est avéré plus tard que l’île devait être celles des Moines ou celle d’Arz, peu importe laquelle d’ailleurs.

Je crois que je suis plutôt fier et heureux d’avoir été enfant en Bretagne et d’avoir pu aller cueillir des noisettes en vélo, fait des cabanes dans le maïs du champ d’à côté, crapahuté dans les rochers de Brignogan, mangé des crêpes au sucre dans divers festivals où cornemuses et coiffes étaient de mise, appris le breton dans un collège privé un peu merdique, participé même à des concours de langue bretonne, aimé la pluie, marché dans les Monts d’Arrée et avoir été terrorisé par le sinistre Ankou. De toutes façons chaque enfant se construit là où il a été élevé, et maintenant je ne pourrais pas quitter Paris pour retourner vivre à Brest et ses alentours parce qu’il me faut ma dose de dioxyde de carbone, de merdes de chiens, de métros bondés et de vie sociale insupportable, mais voilà, quand ça va mal, ça fait du bien d’y repenser.
Et puis j’imagine qu’à New York quelqu’un pense avec tendresse au Rhode Island de son enfance, ou qu’il manque Shikoku à un tokyoïte.

Ca me fait penser que la Bretagne est la région française où la population d’origine étrangère y est moindre. Ce qui est plutôt pas mal, puisque c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes.

Et puis à Calais, on détruit tout devant les chaînes de télévision. Un joli coup de pub. Et apparemment délicat, puisqu’Eric est un homme cool qui traite les gens bien. Des gens qui ont eu une vie de merde jusqu’à la Mer du Nord, et qui tiennent le coup en caressant l’espoir de traverser le Channel pour pouvoir recommencer quelque chose d’un peu mieux chez les Rosbifs. Parce qu’en France, on traite les clandestins comme des criminels qui risquent de violer nos enfants et de nous voler notre carte de fidélité de chez Champion.
Qu’espérait-il, Eric, après s’être demandé s’il ne valait mieux pas ne pas appliquer la loi sur les tests ADN: prouver qu’il est de toutes façons un homme de poigne en prenant le problème de la Jungle de Calais parce que, vous comprenez, la situation est intenable pour tous ces pauvres gens? Mais Eric ne trompe personne.

Après la sortie du gros Brice suintant, il fallait adoucir le trait, d’où non-application de ces tests de merde. Et puis rassurer l’ouverture en tapant du pied dans la jungle comme on écrase une fourmilière.

Bien sûr que c’est inacceptable de voir traîner des gens leur misère dans les rues d’une ville, bien sûr que c’est inacceptable de les laisser dormir sous des tentes en carton et risquer de crever à chaque fois qu’ils se cachent dans un camion pour passer en Angleterre, bien sûr que c’est compréhensible que des calaisiens en aient un peu leur claque et incompréhensible que d’autres risquent la tôle pour avoir rechargé des téléphones portables ou avoir amené un peu de bouffe à ces pauvres gars, mais c’est tout simplement qu’on les considère comme un problème plutôt qu’une chance.

La France sent le moisi, et de plus en plus.
Et moi j’aimerais aller à Tours boire du vin blanc et fumer des gros joints pour oublier tout ça.