Ne pas jeter sur la voie publique.

J’ai des visions de Tskhinvali, la capitale de l’Ossétie du Sud. En géorgien, ça veut dire “la cité des charmes”. L’arbre, pas ce qui caractérise le charisme.

J’aimerais beaucoup illustrer cet article avec une jolie photographie de la ville, qui engloberait de jeunes filles ossètes marchant d’un air désinvolte dans une petite rue bordée des susnommés bétulacées, projetant de petites ombres désordonnées sur des façades bleues et roses, percées de fenêtres au bord desquelles sècheraient des fruits des vergers environnant la ville.

Mais quand je tape “Tskhinvali” dans Google images, hormis quelques clichés un peu dépassés datant des années 70, tout ce que je réussis à obtenir renvoie aux pires images de la guerre des Balkans, à base de chars renversés et de corps aux chairs rosies par le feu.

Tskhinvali est un tampon entre Russie et Géorgie, qui ont l’air de s’ennuyer beaucoup et qui aimeraient ressortir leur gros engins pour s’amuser un peu, un an après une guerre éclair qui n’a fait que creuser un peu plus une plaie qui suppure, comme celles qui parsèment certains endroits de notre si jolie planète.

Depuis ma cabine, je préfère regarder les homosexuels qui s’effleurent ou s’embrassent, remontent leurs lunettes de soleil Gucci sur leur nez bronzé, agitent leurs téléphones très compliqués au-dessus de leur tête lorsqu’ils croisent un visage connu. Des vieilles aux cheveux colorés dans des tons automnaux et aux robes légères à pois déambulent sans but précis parmi les couples bien habillés qui poussent des landau très ergonomiques, deux ou trois pouffes éructent des mots indistinct par-ci par-là en se dandinant. Sur l’affiche de “The Children’s Hour”, l’expression figée de Shirley Temple a un côté bizarrement apaisant, ce qui est assez paradoxal lorsqu’on connaît le film.

Je me fais vraiment chier.

Sinon, ma carte a été bloquée. Tout à l’heure, en voulant acheter des tickets de métro, elle ne passait pas, je pensait qu’elle déconnait, j’ai voulu tabasser l’agent RATP qui m’envoyait de petits coups d’œil pénibles, et puis j’ai bien dû me rendre à l’évidence. Cette salope de Mme M. du Crédit Coopératif a fait bloquer ma CB. Le Crédit Coopératif. Ca sonne bien. Ca serait un peu comme le Naturalia des banques, une banque Max Havelaar, une banque avec des dreads, qui fume des joints et joue du djembé. Seulement, le Crédit Coopératif est la banque des associations en cessation de paiement, aux types dont le compte est sous tutelle ou aux clodos qui peuvent quand même retirer de l’argent. Habituellement, je ne contacte jamais Mme M. , elle me fout la paix malgré mes découverts à la profondeur abyssale. Ce mois-ci, il avait commencé à entamer la croûte terrestre. Elle a dû mal baiser cette semaine et pour se venger, m’a bloqué ma carte. Je vais devoir l’appeler Lundi. Je la déteste. Elle me fait peur. J’aimerais pouvoir lui dire qu’elle est un peu gonflée quand on sait que la situation de mon compte lui a payé ses vacances au Lavandou cette année. Inventer des excuses bidons, lui dire que je travaille plus pour gagner plus, que j’ai gagné à un jeu débile sur RFM ou que je vais retrouver mes APL à la rentrée. Mais j’ai la désagréable phobie des banques. Je m’imagine qu’elles dirigent le monde et ont le droit de vie ou de mort sur de pauvres petits pédés comme moi. Alors du coup, je vais fermer ma gueule, lui lécher ses fesses flasques et nauséabondes, et peut-être qu’elle voudrait bien la débloquer, cette fucking carte, et que même ça la fera un peu mouiller après tout, et qu’elle aura pas perdu sa journée de merde.

Je suis pas sûr cependant que ma phobie des banques soit réellement infondée.

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